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Gestion des Déchets au Maroc : décryptage de la la Loi N°28-00

Gestion des déchets au Maroc

Face aux défis environnementaux contemporains, la gestion efficace des déchets s'impose comme un impératif majeur pour préserver l'équilibre écologique et protéger la santé publique. Conscient de ces enjeux cruciaux, le Maroc a franchi une étape décisive en adoptant la loi n°28-00 relative à la gestion et à l'élimination des déchets, promulguée par le Dahir n°1-06-153 du 30 chaoual 1427 (22 novembre 2006). Cette réforme législative marque un tournant dans l'approche environnementale du Royaume, établissant un cadre juridique global et ambitieux pour une gestion des déchets au Maroc, écologiquement rationnelle, dans une optique de développement durable.


Un Cadre Juridique Intégré et Holistique pour la gestion des déchets au Maroc


Animée par une vision holistique, la loi n°28-00 instaure un régime juridique transversal pour réguler la gestion des différentes catégories de déchets, qu'ils soient ménagers, industriels, médicaux, pharmaceutiques, dangereux ou inertes. Ses objectifs phares sont la prévention de la production de déchets, la réduction de leur nocivité, leur collecte et leur traitement écologique, ainsi que leur valorisation optimale. Ce texte ambitieux couvre l'ensemble du cycle de vie des déchets, de leur production à leur élimination finale, en passant par leur collecte, leur tri, leur transport et leur traitement.



Dispositions Préliminaires : Fondements, Définitions et Champ d'Application


Dès ses premières dispositions, la loi affirme sa volonté de protéger l'homme, la faune, la flore et les écosystèmes contre les effets néfastes des déchets. Elle définit précisément les différents types de déchets concernés, jetant ainsi les bases d'une approche différenciée et adaptée à chaque catégorie. La loi couvre ainsi les déchets ménagers, les déchets assimilés aux déchets ménagers, les déchets industriels, les déchets médicaux et pharmaceutiques, les déchets dangereux, les déchets inertes, les déchets agricoles, les déchets ultimes et les déchets biodégradables. Seuls les déchets radioactifs, les épaves maritimes et certains rejets liquides sont exclus de son champ d'application.


Obligations Générales et Plans de Gestion : Une Approche Stratégique


L'un des piliers majeurs de ce texte réside dans les obligations imposées aux producteurs et importateurs de déchets. Ceux-ci sont désormais tenus de prendre les mesures nécessaires pour limiter autant que possible la quantité et la nocivité des déchets générés, en utilisant les techniques disponibles économiquement viables et appropriées. Ils doivent également fournir à l'administration toutes les informations sur les caractéristiques des déchets qu'ils fabriquent, distribuent ou importent.


Au niveau institutionnel, la loi prévoit l'élaboration de plans de gestion des déchets à plusieurs niveaux, assurant une stratégie cohérente sur l'ensemble du territoire. Un plan directeur national doit ainsi être élaboré pour la gestion des déchets dangereux, déterminant les objectifs à atteindre, les sites appropriés pour les installations d'élimination, un inventaire prévisionnel des quantités de déchets à traiter, un programme d'investissement et les mesures d'information et de sensibilisation à mettre en œuvre.


Au niveau régional, chaque région doit se doter d'un plan directeur pour la gestion des déchets industriels, médicaux, pharmaceutiques non dangereux, ultimes, agricoles et inertes. Enfin, à l'échelle locale, chaque préfecture ou province doit disposer d'un plan directeur pour la gestion des déchets ménagers et assimilés. Ces plans doivent notamment identifier les sites appropriés pour les installations d'élimination, prévoir des inventaires prévisionnels des quantités de déchets à traiter, établir des programmes d'investissement et définir les moyens financiers et humains nécessaires.


Gestion Spécifique par Catégorie de Déchets


Déchets Ménagers et Assimilés : Renforcer le Service Public Local


Pour les déchets ménagers, la loi organise le service public de collecte, de transport et d'élimination, en soulignant l'importance de leur valorisation. Les communes se voient confier des responsabilités accrues dans la gestion de ces déchets au niveau local. Elles doivent établir des plans communaux ou intercommunaux définissant les zones de collecte, les circuits, les cadences et les modalités de gestion de ces déchets. La loi prévoit également la possibilité pour les communes de commercialiser les produits issus de la valorisation des déchets ou de les concéder à d'autres utilisateurs, sous réserve du respect des exigences sanitaires et environnementales.


Un régime de redevances est instauré pour financer ce service public, les taux étant fixés par les conseils communaux. Les communes peuvent également percevoir des redevances pour la gestion d'autres types de déchets tels que les déchets inertes, agricoles, ultimes ou certains déchets industriels non dangereux.



Déchets Dangereux : Des Règles Strictes pour Prévenir les Risques


S'agissant des déchets dangereux, considérés comme hautement préoccupants, des règles strictes sont édictées concernant leur collecte, leur stockage, leur traitement et leur élimination. Ces dispositions visent à prévenir tout risque sanitaire ou environnemental lié à la manipulation de ces substances. La loi prévoit que ces déchets ne peuvent être traités que dans des installations spécialisées désignées par l'administration et autorisées conformément au plan directeur national.


Les activités de collecte et de transport des déchets dangereux sont soumises à une autorisation administrative, sous réserve de remplir des conditions strictes en termes de capacités techniques et financières, de formation du personnel et de mesures de sécurité. Le transport de ces déchets doit être accompagné d'un bordereau de suivi retraçant toutes les informations pertinentes.


La loi interdit formellement le mélange des déchets dangereux avec d'autres types de déchets, sauf autorisation dérogatoire de l'administration lorsque ce mélange est nécessaire à des fins de valorisation ou de traitement. Les exploitants des installations de gestion des déchets dangereux sont tenus de souscrire une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle.


Déchets Médicaux et Pharmaceutiques : Une Gestion Spécifique


Compte tenu de leurs spécificités, les déchets médicaux et pharmaceutiques font l'objet d'une gestion particulière visant à éviter toute atteinte à la santé et à l'environnement. Leur rejet, stockage, traitement, élimination ou incinération sont interdits en dehors des lieux désignés par les plans directeurs régionaux. La collecte et le transport de ces déchets sont soumis à une autorisation administrative, sous conditions similaires à celles applicables aux déchets dangereux.



Mouvements Transfrontières : Un Contrôle Renforcé


Conscient des risques associés aux mouvements internationaux de déchets, le législateur marocain a durci l'encadrement de ces flux transfrontières. Ainsi, l'importation de déchets dangereux sur le territoire national est formellement interdite. Leur transit n'est autorisé que sur autorisation expresse de l'administration.


Quant à l'importation de déchets non dangereux en vue de leur recyclage ou valorisation, elle est soumise à une nomenclature réglementaire et à l'obtention d'une autorisation précisant l'usage final prévu et les capacités techniques nécessaires pour leur élimination écologique.


L'exportation de déchets est également encadrée, nécessitant une autorisation délivrée sous réserve de l'accord écrit de l'État destinataire et du respect des conventions internationales applicables, telles que la Convention de Bâle. Une autorisation d'exportation multiple peut être accordée pour des expéditions régulières de déchets présentant les mêmes caractéristiques. Les importateurs et exportateurs sont tenus de disposer d'une assurance ou d'une garantie financière pour couvrir les éventuels accidents ou pollutions.



Décharges Contrôlées et Installations de Traitement : Encadrement Strict


Pour assurer une gestion sûre des déchets, la loi encadre strictement l'implantation et l'exploitation des décharges contrôlées et des installations de traitement, de valorisation, d'incinération, de stockage et d'élimination des déchets.


Les décharges contrôlées sont classées en trois catégories : classe 1 pour les déchets ménagers et assimilés, classe 2 pour les déchets industriels non dangereux, médicaux, pharmaceutiques, ultimes, agricoles et inertes, et classe 3 pour les déchets dangereux. Des prescriptions techniques spécifiques à respecter sont fixées réglementairement pour chaque classe.


L'ouverture, le transfert, la modification substantielle ou la fermeture des décharges de classe 1 sont soumis à une simple déclaration, tandis que celles de classes 2 et 3 nécessitent une autorisation administrative après enquête publique et avis des autorités locales concernées. En outre, ces décharges ne peuvent être autorisées à proximité de zones sensibles comme les parcs naturels, les zones d'intérêt touristique ou agricole, ou les zones humides.


De même, l'ouverture ou la modification substantielle des installations de traitement, de valorisation, d'incinération, de stockage ou d'élimination des déchets ménagers et assimilés est soumise à déclaration, tandis que celles des déchets dangereux, industriels, médicaux et pharmaceutiques requièrent l'autorisation d'ouverture d'un établissement classé. Les dossiers de demande d'autorisation doivent obligatoirement comporter des informations détaillées sur le projet, une étude d'impact sur l'environnement et la décision d'acceptabilité environnementale.


En cas de fermeture ou de suspension d'une installation, l'exploitant est tenu d'assurer sa surveillance pendant une période suffisante pour prévenir tout risque sanitaire ou environnemental. Il est également prévu que les exploitants doivent déposer une garantie financière destinée à couvrir les éventuelles interventions en cas d'accidents avant ou après la fermeture du site.



Contrôle, Infractions et Sanctions : L'Impératif de Mise en Œuvre


Pour garantir l'effectivité de ce nouveau cadre juridique, un régime de contrôle et de sanctions est instauré. Les agents commissionnés par l'administration et les communes sont habilités à contrôler les exploitants des installations de gestion des déchets et les transporteurs, et à constater les éventuelles infractions.


Ces infractions, lorsqu'elles sont avérées, sont passibles d'amendes conséquentes pouvant aller jusqu'à 2 millions de dirhams, voire de peines d'emprisonnement dans les cas les plus graves, témoignant de la fermeté avec laquelle le Maroc entend faire respecter sa politique environnementale. Les sanctions les plus lourdes visent notamment le dépôt, le stockage, le traitement ou l'élimination illégale des déchets dangereux, l'exploitation non autorisée d'installations, le mélange illicite de déchets dangereux avec d'autres déchets, ou encore les mouvements transfrontières illicites de déchets dangereux.


En cas de manquement constaté, l'administration dispose de pouvoirs étendus pour ordonner aux contrevenants de prendre les mesures nécessaires, voire pour exécuter d'office ces mesures à leurs frais en cas de danger imminent. Elle peut également suspendre l'activité d'une installation non conforme.


Vers un Avenir Durable


L'adoption de la loi n°28-00 témoigne de la détermination du Maroc à relever les défis environnementaux liés à la gestion des déchets. En instaurant un cadre juridique complet, exigeant mais équilibré, le Royaume pose les jalons d'une politique ambitieuse visant à concilier développement économique et préservation de l'environnement dans une perspective de durabilité. Si les fondations sont désormais jetées, la réussite de cette entreprise reposera sur la mobilisation pérenne de toutes les parties prenantes, publiques et privées, pour transformer ces défis en opportunités et bâtir un avenir plus vert et plus sain pour les générations futures.



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