
Les certifications environnementales au Maroc : comparatif des principales normes internationales

Pour faire face aux défis du changement climatique, à la diminution des ressources naturelles et aux villes qui s'étendent vite, le secteur du bâtiment marocain se transforme. Les certifications environnementales au Maroc deviennent peu à peu un outil clé pour juger et bonifier les performances durables des constructions. Dans ce pays où le gouvernement mène une politique active pour le développement durable et la transition énergétique, beaucoup de projets publics et privés se tournent vers des standards internationaux comme BREEAM, LEED, HQE, ainsi que leurs versions pour les bâtiments existants (BREEAM In-Use et HQE Exploitation).
Cet article examine en le panorama des labels environnementaux au Maroc, et compare les principales normes utilisées pour mieux renseigner les professionnels du secteur sur leurs caractéristiques, bénéfices et modalités d'application.
Contexte marocain : entre ambitions nationales et réalités du terrain
Le Maroc poursuit depuis quelques années une politique de développement durable, que prouvent sa Stratégie Énergétique Nationale 2030, la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) et son adhésion à l'Accord de Paris. Le secteur du bâtiment absorbe une portion importante de la consommation énergétique nationale, plus de 30% au total, ce qui justifie l'intérêt grandissant pour les solutions qui réduisent cette empreinte.
La certification environnementale devient alors un outil pertinent pour épauler les politiques publiques et stimuler une construction plus responsable. Cependant, malgré des projets pionniers, notamment dans les grands ensembles urbains comme Casa Smart City ou Rabat Ville Verte, l'usage courant de ces certifications demeure limité et se concentre sur des projets premium ou très visibles.
Les principales certifications environnementales au Maroc
BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method)

Issue du Royaume-Uni, BREEAM compte parmi les standards les plus anciens et adoptés dans le monde. Ce système évalue les bâtiments selon plusieurs catégories : gestion, santé et bien-être, énergie, transport, eau, matériaux, déchets, occupation des sols et écologie, pollution, et innovation.
Au Maroc, quelques projets utilisent BREEAM, principalement des immeubles de bureaux ou sièges de filiales européennes qui appliquent les normes de leur groupe parent.
BREEAM In-Use

Cette variante se destine aux bâtiments déjà en fonction. Elle mesure la performance réelle d'un édifice occupé selon trois aspects : la structure même du bâtiment, les méthodes de gestion et les habitudes d'utilisation.
Son format annuel, adaptable et renouvelable séduit des administrateurs de biens immobiliers qui veulent mettre en valeur leurs propriétés tout en contrôlant les frais de certification.
LEED (Leadership in Energy and Environmental Design)

Créée par le U.S. Green Building Council, LEED connaît un grand succès international. Ce système utilise des points distribués entre diverses catégories (énergie, eau, matériaux, qualité de l'air, innovation, etc.), avec quatre niveaux possibles: Certifié, Argent, Or et Platine.
Au Maroc, divers projets ont obtenu la certification LEED, surtout dans les secteurs des bureaux et de l'hôtellerie. Les chaînes hôtelières mondiales et les entreprises américaines l'adoptent pour standardiser leurs méthodes de construction.
HQE (Haute Qualité Environnementale)

Issue de France, HQE constitue une certification bien adaptée au milieu francophone. Elle s'appuie sur 14 cibles organisées selon quatre axes: la qualité de vie, le respect de l'environnement, la performance économique et le management responsable des opérations.
Les liens culturels et juridiques entre la France et le Maroc encouragent l'usage de HQE dans plusieurs projets, particulièrement ceux menés par des promoteurs ou bureaux d'études qui travaillent aussi sur le marché français.
HQE Exploitation
Destinée aux bâtiments existants, cette certification repose sur un audit initial, puis un suivi sur cinq ans. Elle évalue à la fois les caractéristiques intrinsèques du bâtiment et les pratiques de gestion environnementale.
Elle séduit certaines grandes foncières marocaines ou institutions souhaitant améliorer l’efficacité énergétique de leur parc immobilier, notamment dans les zones d’activité ou les pôles d’affaires.
Comparatif des certifications : critères, coûts, reconnaissance et adéquation au contexte marocain
Critère | BREEAM | BREEAM In-Use | LEED | HQE | HQE Exploitation |
Origine | Royaume-Uni | Royaume-Uni | États-Unis | France | France |
Phase ciblée | Construction | Exploitation | Conception & exploitation | Construction | Exploitation |
Durée de validité | Variable | 1 an (renouvelable) | 5 ans (typique) | Variable | 5 ans (avec audits) |
Coût | Moyen à élevé | Moyen | Élevé | Moyen | Élevé |
Reconnaissance au Maroc | Moyenne | Faible (en croissance) | Bonne | Bonne | Faible à moyenne |
Complexité administrative | Moyenne | Faible à moyenne | Élevée | Moyenne | Élevée |
Adaptabilité au Maroc | Moyenne | Moyenne | Moyenne | Bonne | Bonne |
Les défis de la certification environnementale au Maroc
Malgré des avantages certains en matière d’image, de valorisation patrimoniale et de performance énergétique, la généralisation des certifications environnementales au Maroc se heurte à plusieurs obstacles :
Coût élevé : les frais de certification, d’audit et d’accompagnement peuvent représenter un frein pour les projets de taille moyenne ou pour les promoteurs locaux.
Manque de compétences locales : bien que les choses évoluent, le nombre de professionnels accrédités (LEED AP, HQE Référents, Assesseurs BREEAM, etc.) reste limité, obligeant parfois à faire appel à des experts étrangers.
Absence d’incitations : le cadre réglementaire marocain n’offre pas encore d’avantages fiscaux, de bonifications ou de droits à construire liés à la certification environnementale.
Sensibilisation encore faible : la demande provient majoritairement des investisseurs internationaux ou institutionnels. Le client final reste souvent peu informé des bénéfices d’un bâtiment certifié.
Perspectives et recommandations
Pour favoriser l’essor de la certification environnementale au Maroc, plusieurs leviers peuvent être mobilisés :
Renforcement des formations dans les écoles d’ingénieurs, d’architecture et dans les filières techniques.
Création d’un référentiel marocain ou d’une adaptation régionale des standards internationaux, mieux adaptés aux conditions climatiques, aux ressources disponibles et aux modes de construction locaux.
Mise en place de mécanismes incitatifs : réduction des taxes, accès facilité au foncier, bonification des droits à construire pour les projets certifiés.
Communication accrue sur les bénéfices à long terme : économies d’énergie, confort des usagers, valorisation du bien immobilier.
Le Maroc se trouve au carrefour entre progrès urbain et protection de l'environnement, et gagnerait à inclure plus largement les labels environnementaux dans son aménagement du territoire. Des projets existent, mais ils restent trop isolés. L'analyse comparative des certifications BREEAM, LEED, HQE et leurs versions pour bâtiments existants révèle que chacune offre des avantages propres, mais demande un soutien spécifique pour en tirer tous les bénéfices.
Avec le développement de la formation, les mesures incitatives et l'adaptation locale des normes, le Maroc peut devenir un exemple régional en construction durable. Loin d'être une limite, la certification environnementale représente un placement pour l'avenir, qui contribue à un milieu de vie plus sain, moins gourmand en ressources et plus solide face aux défis.